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Paris est un Passage…

Paris est un Passage…

…vers l’autre bout du monde. Vers un univers saturé d’odeurs, de saveurs, de couleurs. Vers un pays grand comme un continent. Aujourd’hui, Les Croqueuses vous emmènent en Inde : bienvenue passage Brady !

Mi-novembre. Il fait gris, ce matin-là. Et il pleut même un peu… Génial ! C’est le temps idéal pour aller croquer à l’abri, au milieu des fruits exotiques et des divinités hindoues, enivrées de musique et de parfums d’encens. Dès l’ouverture, nous poussons la porte de l’épicerie Velan, bien connue et appréciée de tous les Parisiens tombés sous le charme de l’Inde. Fondée dans les années 1970 par un homme originaire de Pondichéry, cette boutique est devenue, au fil des ans, une véritable institution.

Cinthia, pourtant bien occupée tantôt derrière la caisse tantôt dans les rayons, accepte que nous restions la matinée dans ses pattes, avec aquarelle et crayons. Nous trouvons chacune notre place et la séance commence. Aurélie choisit les fruits et légumes : il faut dire que l’étal qui s’installe sous ses yeux est de plus en plus alléchant. Véronique et Fabienne se glissent derrière le comptoir à bijoux, pour dessiner les guirlandes de fleurs et les présentoirs à statuettes. Anne, l’invitée du jour et finalement nouvelle recrue, a déniché la meilleure place : un tabouret face aux dieux et déesses…

Dessiner quelque part – quel que soit l’endroit – c’est se fondre dans le décor. Devenir transparent. Spectatrices immobiles et muettes, nous assistons à diverses petites saynètes qui en disent long sur la renommée du lieu. Les habitués entrent d’un pas décidé : ils cherchent quelque chose de précis (un mélange d’épices, une infusion particulière, une teinture pour cheveux bien spécifique) et savent qu’ils ne le trouveront qu’ici. D’autres clients, portant de gros sacs sur le dos ou tirant derrière eux des valises à roulettes, visitent l’épicerie comme un musée vivant. Comme nous, ils en prennent plein les yeux et repartent comblés, après l’achat d’un petit souvenir, souvent décoratif. Un guide y amène même un groupe, auquel il donne un cours d’hindouisme sous le nez de Shiva. Puis trois étudiantes en sociologie s’essaient à l’enquête de terrain… Peu importe. Tous sont les bienvenus, rares ceux qui sortent les mains vides !

« Mais des dessinatrices, là, c’est la première fois ! » nous taquine gentiment Cinthia lorsque nous la quittons. Ça, Les Croqueuses n’en sont pas peu fières… et remercient infiniment la jeune femme pour son accueil. Vous qui nous lisez, courrez-y. Même simplement pour un peu de dépaysement. Nous partageons l’avis de Ça mitonne : c’est une adresse incontournable. Et pleine de surprises ! Car vous y trouverez aussi bien du sirop d’érable que des achards créoles, des bougies à l’effigie de Jésus, de la vaisselle en métal rutilante et de nombreux produits de beauté – une deuxième boutique leur est même consacrée. Vous n’êtes pas à Paris ? Pas de problème, passez commande en ligne ! Par ailleurs, leur blog est passionnant. On y apprend qui est Velan, pourquoi – et si – les vaches sont sacrées en Inde ou encore d’où vient le bindi. Mais il semble que, désormais, les choses se passent plutôt sur leur page facebook.

Allez, avouons-le : croquer, ça creuse. Après deux heures de dessin non-stop, les odeurs s’échappant des cuisines alentour commencent très sérieusement à nous chatouiller les narines… Le passage de Pondichéry, juste en face de l’épicerie, nous fait de l’œil depuis un bon moment. Pourquoi résister à l’appel du naan ? Nous y sommes très gentiment reçues et régalées – cocktails de bienvenue (cadeau), thalis complets, desserts et thé (offert également) – pour moins de 10,00 € chacune ! Même Aurélie, la seule d’entre nous à être allée en Inde, n’a pas été déçue : les plats ont vraiment du goût, sans être trop forts non plus. Bref, l’adresse est à noter. D’ailleurs, Anaïs des Parisianavores est d’accord !

Enfin, difficile de quitter le quartier sans évoquer Le Brady – mythique cinéma de Jean-Pierre Mocky – qui fête ses 60 ans. Chaque année, de juillet à septembre, lui aussi vous offre le voyage avec son festival indien « L’été Bollywood ». Alors… பை பை நீங்கள் பிறகு பார்க்கலாம்! (Pai pai nīṅkaḷ piṟaku pārkkalām!)*

*« Au revoir et à bientôt ! » en Tamoul.  🙂

Paris est un Jardin Coréen

Paris est un Jardin Coréen

Où croquer pour profiter de l’automne ? Dans un jardin, bien sûr. Malgré le ciel repeint en gris par les nuages, les feuillages y flamboient. Et puisque Paris est un monde, nous décidons de partir en Corée.

Ce jardin se trouve au cœur d’un autre. Poétique, il invite à la rêverie. On y entre par la «porte du Paradis» (Pisemun) et les eaux du «petit étang qui purifie le Cœur» (Sesimji) reflètent la silhouette d’un joli temple. Puis la «cour de l’Harmonie» s’ouvre sur «l’escalier Céleste» (Aeyangdan) menant à la «terrasse de la Lune» (월대, Woldae). Quant à la «porte de l’éternelle Jeunesse» (Bullomun), elle offre la santé à qui la franchira pour accéder au pavillon de méditation (죽우정, Jukujeong) dont les couleurs, traditionnelles et vives, interpellent celles de Buren à la Fondation Louis Vuitton.

Et c’est justement ce dialogue que notre invitée a choisi d’interpréter. Car oui, c’est une grande première : aujourd’hui Les Croqueuses de Paris dessinent à quatre, telles des mousquetaires du crayon ! L’idée de partager certaines de nos sorties avec d’autres artistes est née dès la formation de notre trio. Croquer la ville sur le vif ensemble, c’est un peu comme improviser pour des musiciens. De temps en temps, un nouvel instrumentiste se joint au groupe et fait le bœuf. Nous aimons l’échange, le collectif… et il y a tant de croqueurs de talent ! Alors, voici la première d’entre eux : l’aquarelliste Patricia Allais-Rabeux.

Aller chercher l’inspiration dans la rue. Un crayon, un papier, c’est aussi le moyen de prendre son temps, de respirer l’ambiance, de mémoriser l’impression de l’instant, et de le partager avec les personnes rencontrées. Les choses bougent vite, de sorte que la quête d’inspiration est à chaque déambulation renouvelée. Chaque promenade est unique. Mes aquarelles sont l’histoire de cette quête, d’une promenade où chaque humeur du temps offre un regard nouveau.

La technique de Patricia est très au point. Sur place, elle capte l’ambiance, glane des éléments, croque au stylo et prend quelques clichés. De retour à l’atelier, elle imprime ses photographies, les découpe et recompose avec elles une image idéale – patchwork sensible – de cet instant passé. Ensuite, elle dégaine ses pinceaux pour la fixer. (Elle écrit, aussi : lisez le post-scriptum !)

Partager cette déambulation créative au Jardin d’Acclimatation fut un pur bonheur pour nous toutes. Et dire que nous avons déjà nos trois invités suivants… Vivement la prochaine sortie !  🙂

{ POST-SCRIPTUM }

J’ai mal dormi, j’ai toussé et transpiré toute la nuit.

« Alors tu vas mieux ?

– Nooonnnnnn…

– Tu étais tellement contente d’aller faire cette journée, tu devrais rester au chaud… vu l’état où tu es.

– Nooonnnn !

Je me lève d’un coup, ma tête tourne. J’y vais c’est tout. J’embarque la sacoche du carnettiste, j’y ajoute les aspirines, le sirop et les mouchoirs. Ligne C du RER, c’est long quand tu renifles. Je n’ai pas faim, mais il faut que je prenne des forces, je fais la queue dans un resto rapide qui n’en a que le nom. Les Croqueuses de Paris sont déjà attablées. Cela me fait tellement plaisir de participer à cette journée, que je recouvre quelques forces. Un grand merci à elles trois de m’avoir invitée.

Le Jardin d’Acclimatation ressemble toujours à celui de mes souvenirs ; les manèges et autres bâtiments ont été repeints, mais ils ont conservé la même couleur, celle de mon enfance. Lorsque ma grand-mère m’emmenait voir les oiseaux et faire des tours de voitures. Je restais toujours bloquée devant cette pendule fleurie, à l’entrée. Je n’étais pas bien grande, elle me paraissait immense, et les couleurs vives des fleurs, la composition du jardinier m’hypnotisaient. Plus tard, j’y ai emmené mes filles, je les revois courir vers l’araignée géante. Nous y avons organisé des chasses au trésor et des pique-niques familiaux, bien arrosés, et très joyeux.

Aujourd’hui, avec les Croqueuses, je tente, malgré la tristesse du temps, de mettre des couleurs vives sur mon papier. La Fondation Louis Vuitton fait partie du paysage, elle se voit de partout, mais je trouve ses formes et couleurs tout à fait en harmonie avec le lieu. J’aime bien cet anachronisme entre architecture moderne et jardins.

Patricia Allais-Rabeux

Paris-Plages ? Paris-Port !

Paris-Plages ? Paris-Port !

Tout le monde connaît « Paris-Plages » – opération estivale inventée en 2002 – mais qui sait que la capitale accueille un vrai port en son sein ? Si si, avec une capitainerie et tout ce qu’il faut de bateaux, de pontons et même de mouettes !

Le fossé de l’Arsenal fut d’abord un marais, où les Parisiens du XVème siècle venaient pêcher la grenouille. Il devint ensuite un bassin, à flot pendant les périodes de crue, répondant tantôt aux besoins militaires tantôt à ceux du commerce. Y transitent essentiellement du blé, du bois et du vin, venus tout droit de Bourgogne au fil du courant… Et quel courant ! (Tous les Bourguignons savent que ce n’est pas la Seine qui coule à Paris, mais l’Yonne évidemment. ^^)

L’essor chaotique du port, tout au long des XIXème et XXème siècles, accompagne la création des canaux de Paris pour devenir, en 1983, ce port de plaisance un brin nonchalant. Il est désormais bordé d’un jardin où il fait bon croquer… notre pique-nique.

C’est à la terrasse du café du port, crayons toujours en mains, que nous regardons le ciel rosir de plaisir, le Génie de la Bastille courir après des nuages de barbe à papa et le soleil se coucher doucement sur cette journée bien remplie, commencée dans une gare et finie dans un port… Ah, Paris !

Paris en mode Décor

Paris en mode Décor

À quelques pas de la gare de Lyon et de sa grande agitation se cache une petite rue tranquille, charmante et colorée, connue dans le monde entier : Cremieux Street!

Souvent totalement ignorée des Parisiens eux-mêmes, cette longue allée piétonne déchaîne pourtant les passions jusqu’en Australie, au même titre que Montmartre ou la Tour Eiffel. (Vous ne nous croyez pas ? Voici une autre preuve.) On parle aussi de the most colorful street in Paris au Canada – ici et – ou encore aux USA

Par ailleurs, les  « blogueuses mode » et autres « youtubeuses » françaises raffolent des couleurs acidulées de la rue. Elles en usent, et en abusent, comme décor pour leurs prises de vue : le site de Femme Actuelle évoque le sujet avec humour. Tout cela contribue à la renommée internationale de cette rue inconnue, notamment sur Instagram. De quoi piquer la légendaire curiosité des Croqueuses, non ?

Et, en effet ! Nous n’y sommes restées que deux heures et pourtant, nous en avons vu défiler, du (joli) monde ! Pour commencer, nous assistons à un shooting de jeunes mariés. Était-ce un vrai couple ? Ou des mannequins payés par une créatrice ? Mystère… Nous nous retrouvons ensuite au milieu de touristes américains – genre équipe sportive en déplacement à Paris – venus spécialement visiter la rue et, bien sûr, s’y prendre en photo sous toutes les coutures. Même chose avec un couple d’amoureux, puis plusieurs petits groupes de deux ou trois jeunes filles. Est-ce une maladie contagieuse ? Nous finirons par céder à l’ambiance générale et prendrons la pose, nous aussi.  😀

Les blogueuses, les mannequins, les amoureux, les touristes, les photographes, les Croqueuses… OK. Mais, et les Parisiens ? Apprécient-ils cette débauche de couleurs pimpantes ? Eh bien, oui. Comme cette passante qui nous avoue faire un détour, chaque matin, pour se rendre à son travail en empruntant la rue Crémieux plutôt qu’une autre : c’est son petit secret, dit-elle, pour bien démarrer la journée. Plus tard, une petite dame de 92 ans, sortant faire ses courses toute pomponnée, nous racontera au passage quelques épisodes croustillants de la libération de Paris…

Conclusion des Croqueuses ? The most colorful street in Paris vaut le coup d’œil, et de crayon. Elle est bel et bien devenue l’un des hauts lieux du « haut en couleurs » parisien !

Paris en Bleu et Or

Paris en Bleu et Or

Vendredi, pour leur toute première session d’automne, Les Croqueuses se sont retrouvées gare de Lyon, dans le 12ème arrondissement. Un rendez-vous dans une gare ? Allions-nous partir en voyage ? Eh bien… oui. Un voyage dans le temps. Car, monter dans ce train-là, dont la voie n’est jamais annoncée mais qui domine tous les quais du Hall 1, c’est partir à l’envers et retourner au Paris de la Belle Époque.

Le Train Bleu, superbe restaurant pourtant très sobrement nommé « le buffet de la gare » jusqu’en 1963, est né grâce à l’Exposition Universelle de 1900. Avec le métro, les Grand et Petit Palais, le Pont Alexandre III ou la gare d’Orsay – devenue depuis le beau musée que l’on sait. Mais, pas de jaloux : Jean Cocteau, grand habitué du restaurant, le décrivait justement comme un musée. Difficile de lui donner tort !

Dès la porte tambour passée, on est ébloui par la richesse du décor. Murs et plafonds sculptés, toiles peintes, lustres et mobilier… tout dans la Grande Salle (dite Réjane) ou chacun des Salons (Doré à droite et Orientaux à gauche) est une invitation au voyage à travers la France jusque sur l’autre rive de la Méditerranée. Commandées par le PLM (la Compagnie du chemin de fer Paris-Lyon-Marseille), les 41 toiles représentent les villes du réseau ferroviaire. Bien que réalisées par 27 peintres différents – des « petits maîtres » comme l’on disait alors, souvent originaires des lieux représentés – ces œuvres ont en commun de rendre hommage à la lumière éclatante du Sud. Plus prestigieux, François Flameng (1856-1923) et Guillaume Dubufe (1853-1909), se voient confier les allégories de Paris et Lyon dans la Salle Réjane ; tandis qu’au plafond du Salon Doré, Henri Gervex (1852-1929) peint Nice, la Guerre des Fleurs. Ces trois artistes sont des habitués des grands chantiers de l’époque : la Comédie française, l’Opéra comique, l’Hôtel de Ville ou encore la Sorbonne… Et dire que tout cela faillit disparaître dans les années 60 !

Finalement classé « Monument Historique » en 1972, grâce à l’intervention d’André Malraux et du cinéaste René Clair notamment, ce témoignage grandiose du Paris de la Belle Époque échappe définitivement à la démolition. Le Train Bleu – en référence au train de luxe, bleu et or, qui desservait la Côte d’Azur – devient un mythe. Pour preuve, ces nombreux films où il est à l’honneur : La Maman et la Putain (Jean Eustache, 1973), Nikita (Luc Besson, 1990), Place Vendôme (Nicole Garcia, 1998), Filles uniques (Pierre Jolivet, 2003), Les Vacances de Mr Bean (Steve Bendelack, 2007), Micmacs à tire-larigot (Jean-Pierre Jeunet, 2009)… Et depuis, rénové, il a encore embelli.

Ouf, quel curriculum ! Les Croqueuses vont devoir l’oublier un peu avant d’oser dégainer leurs crayons. D’ailleurs, nous commençons plutôt par saisir nos fourchettes. En version sucrée ou salée, nos petits-déjeuners complets (24,50 €) se révèlent à la hauteur du lieu mais aussi de l’accueil, plein d’attention. Les œufs brouillés au saumon sont fondants, les tartines et viennoiseries délicieuses, la brioche aux pralines à la fois moelleuse et croquante, les jus et salade de fruits – comme la faisselle et son coulis – tout frais… Bref, un régal. Ce menu raffiné n’en est pas moins copieux : nous avions dans nos sacs un pique-nique pour le midi, que nous ne sortirons pas avant 17 heures.

Allez, assez croqué. Croquons maintenant ! À l’aquarelle ou aux crayons, nous avons tenté de rendre la richesse du décor et ses belles perspectives tracées par des rangées de tables, si impeccablement dressées. Mais nos photographies (et tout bientôt la vidéo) ne seront pas de trop pour compléter la visite.

Les Croqueuses remercient chaleureusement le personnel, en particulier Mme Isabelle Chasselin, pour sa confiance et sa disponibilité. Nous ne pouvons que vous encourager à vous offrir – le temps d’un thé délicatement parfumé ou plus si affinités – un voyage vers la Belle Époque, à bord de ce train magique…

{ POST-SCRIPTUM }

À noter, pour les petits curieux qui cumulent (!) gourmandise et passion des transports ferroviaires, l’existence d’un autre restaurant étonnant : Le Wagon Bleu, installé dans une voiture du mythique Orient-Express. Il vous attend juste au-dessus des voies de la gare Saint-Lazare, au 7 de la rue Boursault. De taille et d’allure évidemment plus modeste, c’est un établissement plein de charme, festif à ses heures et qui sert une excellente cuisine corse. (L’une des Croqueuses a testé. Eh oui, la vie est dure… ^^)

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