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Sauvons le Musée de l’Éventail !

Sauvons le Musée de l’Éventail !

Fin avril, deux des Croqueuses de Paris sont retournées dessiner au musée. « Quoi ? Comment ça, dans un musée ? Ils ne sont pas fermés ? » (Ne niez pas, on vous entend d’ici ! 😄) Alors, oui, en effet… mais justement. Pour celui-ci, c’est la fermeture définitive qui est à craindre à cause de la crise sanitaire. D’où notre mobilisation : en plus de participer à la cagnotte en ligne, nous avons proposé nos services en venant croquer ce lieu précieux et atypique, pour vous le rendre visible à vous, chers Crocœurs. Nous espérons vous mobiliser, vous aussi !

DE L’ATELIER FAMILIAL

Les Croqueuses de Paris au Musée de L'ÉventailTrès gentiment accueillies par Anne et Katia, Aurélie et Véronique ont pu découvrir la richesse des collections du musée, ainsi que l’histoire passionnante de l’atelier qui court déjà sur quatre générations : Joseph Hoguet en 1876 puis son fils Marius en 1899, fonde et font prospérer l’entreprise familiale de Sainte-Geneviève, dans l’Oise. Ils étaient alors tabletiers, c’est-à-dire spécialisés dans la fabrication des montures. Ils travaillent l’écaille de tortue, l’os, la corne, les bois précieux, différents types de nacre… les façonnant, les sculptant, les ajourant, les gravant et les incrustant à l’or fin. Mais la partie haute des éventails n’est pas de leur ressort. Elle est conçue, créée, décorée à Paris, par d’autres artisans d’art – les éventaillistes.

Une autre page s’écrit en 1960. Hervé, qui a pris la succession de son père Marius, rachète à Paris le fond de Kees, l’une des plus prestigieuses maisons d’éventails du XIXème siècle. Grâce à lui, les deux savoir-faire sont enfin réunis sous la même enseigne : celle des Hoguet. Sa fille Anne, nommée Maître d’Art en 1994, y confectionne des éventails pour l’opéra, le théâtre, le cinéma et la haute couture (Dior, Gaultier, Hermès, Lacroix, Nina Ricci, Louis Vuitton…). Elle effectue également des travaux de restauration. C’est elle qui, consciente de la richesse historique de son héritage familial, a créé le Musée de l’Éventail dans les locaux de l’atelier.

AU MUSÉE EN PÉRIL

Les Croqueuses de Paris au Musée de L'ÉventailAurélie choisira de dessiner la petite table de travail d’Anne, placée en pleine lumière, juste devant la fenêtre par laquelle on devine l’agitation parisienne. L’endroit est fascinant, comme le sont si souvent les ateliers d’artistes : débordant de boîtes à trésors, de gabarits, d’outils aux pouvoirs inconnus, d’ingrédients mystérieux, de dentelles et de poudres d’or.

Véronique, de son côté, tentera de rendre l’atmosphère à la fois chaleureuse et impressionnante du magnifique salon d’exposition de style Henry II, avec sa cheminée monumentale, ses meubles à tiroirs en noyer, son plafond à caissons et ses murs tapissés de drap bleu brodé de fil d’or. La pièce est d’ailleurs classée « Monument Historique » depuis 2004…

Au cas où la perte de ce trésor vous attristerait autant que nous, vous pouvez – au choix… ou tout à la fois :

Mais oui, chers Crocœurs, pensez à la Fête des Mères, aux anniversaires à venir ou au plaisir tout simple de recevoir un petit courrier dans sa boîte aux lettres ! Nous nous sommes engagées auprès d’Anne et Katia à reverser le bénéfice des ventes du mois de mai dans la cagnotte du musée.

Les Croqueuses de Paris ne roulent pas sur l’or… mais à force de sorties annulées d’une part et de cartes postales vendues jusqu’au bout de la Terre de l’autre (de Los Angeles à Auckland, de Singapour à Ottawa… merci merci ♥) nous avions quelques petits sous en poche. Or, impossible pour nous de voir mourir sans réagir cette mémoire artisanale et artistique en plein cœur de Paris : s’il vous plaît, préservons-la ensemble !

 

Exposition L’Art en Broderie { Musée de Cluny }

Exposition L’Art en Broderie { Musée de Cluny }

Quelles chanceuses, ces Croqueuses, invitées dans les musées à de passionnantes visites privées ! Après deux superbes expositions chez Picasso, nous voilà cette fois propulsées dans le passé, au pays des merveilles brodées…

RETOUR À CLUNY

Oh, pas le Cluny de Saône-et-Loire – nous restons à Paris ! – mais celui du Quartier Latin, de la Sorbonne et des Thermes Antiques. D’ailleurs, pourquoi le Musée du Moyen-Âge porte-t-il ce nom ? Tout simplement parce que le bel hôtel particulier qu’il occupe, construit au XIIIème siècle, abritait autrefois les abbés de l’ordre de Cluny qui enseignaient à l’Université. Entre eux et nous, au fil de l’histoire, le bâtiment a connu de nombreuses aventures plus ou moins douloureuses. Finalement, c’est grâce à l’un de ses locataires – Alexandre du Sommerard, conseiller à la Cour des Comptes et collectionneur passionné – que le musée verra le jour, en 1843. L’hôtel de Cluny sera classé dès 1846, suivi des thermes en 1862.

Car ce lieu dédié au Moyen-Âge a néanmoins la particularité de se tenir sur l’un des plus importants vestiges du Lutèce antique : les thermes romains. Ce que l’on en voit aujourd’hui ne représente hélas qu’une petite partie de l’ensemble, qui s’étendait alors sur plusieurs hectares. On y venait pour se laver, mais également se faire couper les cheveux, se détendre, lire – les thermes possédaient une bibliothèque – ou bavarder. Ce véritable « complexe thermal » comprenait aussi un gymnase où l’on pratiquait toutes sortes d’activités physiques. Une autre référence à l’Antiquité vous attend d’ailleurs dans le square Paul-Painlevé, juste devant l’hôtel de Cluny : une réplique de la fameuse Louve Capitoline, offerte par la ville de Rome à Paris en 1962, lors du jumelage des deux capitales. Clin d’œil amusant du destin puisque l’on sait maintenant (depuis 2012 seulement !) que cette statue prétendument étrusque (Vème siècle avant JC) date finalement du… Moyen-Âge !

Mais, puisque les époques se suivent, il n’est pas interdit de les relier entre elles – notamment par l’architecture. C’est le pari du chantier mené par Bernard Desmoulins, chargé de rénover le musée. Certes, l’hôtel médiéval est fermé. Cependant le reste des espaces, y compris les plus récents, est ouvert : cette magnifique exposition sur la broderie est l’occasion rêvée de les découvrir.

L’ART EN BRODERIE

Christine Descatoire, la commissaire d’exposition qui nous a guidées d’un trésor à l’autre explique ainsi ses choix : sortir ces pièces rarissimes des réserves du musée – où on les garde précieusement, car elles sont extrêmement fragiles – et les associer à d’autres, tout aussi précieuses, venues de collections étrangères doit servir à réévaluer la broderie comme art à part entière. Ne l’appelait-on pas, à l’époque, « la peinture à l’aiguille » ? C’est pourquoi les œuvres brodées présentées ici sont rapprochées d’autres réalisations, peintes ou gravées, qui leur sont contemporaines.

Savez-vous qu’il fallait faire huit ans d’apprentissage avant de pouvoir prétendre officiellement au statut de brodeur ? Rien d’étonnant quand on observe la finesse de chaque réalisation. D’autant que ces œuvres de soie, de velours, filées d’or ou d’argent, parfois ornées de perles… étaient toujours destinées à de puissants commanditaires – rois, clercs de haut rang, etc. Elles avaient fonction de marqueurs sociaux, de « signes extérieurs de richesse » pourrait-on dire. Et la corporation des brodeuses et brodeurs parisiens était elle-même très puissante.

Après deux premières vitrines consacrées aux différents types de points (très élaborés) ainsi qu’aux outils (ciseaux, dés, forces) et aux livres de modèles (ancêtres de nos « tutos » d’aujourd’hui), l’exposition se déroule ensuite à la fois chronologiquement et géographiquement à travers l’Europe germanique, anglaise, flamande, française et italienne. La scénographe a travaillé les blocs de présentation du blanc au pourpre en passant par un dégradé de roses, couleurs directement inspirées de celles de la voûte du frigidarium. Profitez de l’harmonie ainsi créée pour admirer les proportions exceptionnelles du lieu !

Comme d’habitude, chaque Croqueuse aura son petit « coup de cœur » qu’elle choisira de dessiner. Aurélie se passionnera pour le magnifique léopard héraldique (ne pas confondre avec le lion, toujours présenté de profil !) ornant un caparaçon (housse d’apparat pour cheval) du roi Edouard III d’Angleterre, arrivé au musée en 1922 sous forme de… chasuble. (Vive la récup’ ! Sa forme initiale lui a néanmoins été rendue en 1939.) Anne choisira de croquer une aumônière de luxe, tandis que Véronique préfèrera quelques appliques à l’effigie de saints martyrs : les visages la fascinent. « On pourrait presque les croire tirés d’albums jeunesse d’aujourd’hui » dit-elle, amusée. (Tiens, en parlant de lecture pour enfants, voici le livret-jeu de l’exposition tout spécialement conçu pour eux.)

« DIS BONJOUR À LA DAME »

Et Fabienne, dans tout ça… qu’a-t-elle choisi de dessiner ? Eh bien, même si l’aumônière aux personnages contournés de fil noir « à la manière d’une bande dessinée franco-belge » la font « totalement craquer », la coquine prendra la tangente vers les collections permanentes, passant ainsi allégrement de la broderie à la tapisserie – ne pas confondre, attention ! Que voulez-vous, c’est plus fort qu’elle. Impossible de résister à l’appel de la star ! Mais si, vous savez bien : l’œuvre incontournable, la « Joconde du Musée de Cluny »… La Dame à la Licorne, voyons !

La nouvelle muséographie est belle, réussie. On y arrive doucement, par une sorte de corridor dont les murs sont ponctués de citations et les yeux s’habituent peu à peu à l’obscurité. L’éclairage tamisé permet bien sûr d’admirer les tentures sans trop les endommager mais aussi d’oublier la foule. (Puisque c’est une star, nombreux sont ses admirateurs venus du monde entier.) Quant aux banquettes spacieuses placées au centre de la pièce, elles sont parfaites pour s’installer carnet en mains.

Il faut le dire encore : pendant que s’achève le quatrième et dernier volet des travaux de rénovation du musée, les œuvres les plus emblématiques y sont toujours visibles, avec de superbes expositions en prime. Alors, courrez-y ! D’autant qu’il y a urgence… Savez-vous que les œuvres textiles sorties des réserve pour l’occasion le sont suivant un protocole très strict ? Trois mois d’exposition pour trois ans de réserve : ne ratez pas le coche !

Enfin, si la broderie vous attire mais que vous ne l’avez jamais pratiquée, peut-être serez-vous intéressés par l’animation proposée dimanche 1er décembre. En effet, les élèves de l’école Duperré – qui ont imaginé puis réalisé les créations contemporaines inspirées des collections du musée à voir dans la dernière salle de l’exposition – vous offrent une initiation à la broderie. C’est libre, sans inscription et gratuit. Bref, aucune excuse pour ne pas se lancer ! Merci qui ? 😉

Et nous, Les Croqueuses, nous remercions chaleureusement toute l’équipe du musée pour son accueil adorable et savant, notamment Christine Descatoire et Aline Damoiseau. Gentes dames, grâce à vous, nous avons découvert de très belles choses – ce, dans une ambiance des plus sympathiques. C’est pourquoi nous avons un aussi grand plaisir à les partager par-ici : merci !

 

{ Infos Pratiques }

La nouvelle entrée du Musée de Cluny se trouve au n°28 de la rue Du Sommerard, dans le 5ème arrondissement. Métro Saint-Michel ou Cluny-La Sorbonne. Il est ouvert du mercredi au lundi, de 9h15 à 17h45. (Plus de renseignements ici.)

Un « deux en un » à Saint-Germain !

Un « deux en un » à Saint-Germain !

Aujourd’hui, deux Croqueuses vous emmènent en banlieue, au terminus du RER A : Saint-Germain-en-Laye. Là-bas nous attend un château-musée à l’histoire étonnante, foisonnante et pourtant méconnue. À nous de vous faire découvrir tout ça!

TERMINUS TERRASSE

D’abord, un peu de géographie. Saint-Germain-en-Laye se trouve à 20 kilomètres à l’Ouest de Paris et à 15 au Nord de Versailles. Avec sa forêt domaniale de 3500 hectares, c’est la commune la plus vaste des Yvelines – troisième d’Île-de-France, après Fontainebleau et Paris. Mais ce qui fait sa spécificité tient avant tout à son relief. En effet, la ville est perchée au bord d’un plateau calcaire qui domine la Seine du haut de ses 60 à 90 mètres selon les endroits. De la « grande terrasse » du parc, œuvre de Le Nôtre, la vue sur Paris et ses alentours est imprenable – d’où l’intérêt d’édifier un château fort ici dès le XIIème siècle. Cela dit, celui que nous visitons aujourd’hui n’est plus le même: plusieurs fois pris par les Anglais, pillé ou partiellement incendié, il n’a cessé d’être rebâti, agrandi, transformé, menacé ou restauré. Un vrai feuilleton!

Maintenant, est-il possible de se percher plus haut encore que sur la «grande terrasse»? La réponse est «oui»! Véronique et Aurélie suivent Fabien, chargé de communication, sur les toits du château. Là-haut, la vue sur le parc et la ville est évidemment splendide. Et pourtant, après la visite commentée passionnante, ce n’est pas ce qui aura retenu finalement notre attention. Selon nous, le plus remarquable vu des toits, c’est bien l’architecture du château elle-même. Des balustrades, le regard plonge dans la cour intérieure. Il est happé par le rythme des façades, comme rayées de rouge, et celui des grandes cheminées. Les symboles sont partout. Chaque époque, chaque régime politique, a laissé son empreinte: F (et salamandre) de François 1er, N de Napoléon III, RF de République Française… S’il existe un château qui raconte notre histoire (mouvementée) dans sa durée, c’est bien celui de Saint-Germain-en-Laye!

VERSUS VERSAILLES

Petit test. Si l’on vous parle des rois de France et de leur cour, de Louis XIV, de ses fêtes éblouissantes et de ses favorites, des spectacles signés Molière et Lully… à quel château pensez-vous? Si ces quelques mots vous évoquent Versailles, vous avez – comme nous auparavant – tout faux. C’est ici, à Saint-Germain-en-Laye, que cela se passait. Pour résumer, le Roi-Soleil y naquit en 1638 et y régna jusqu’en 1682, date à laquelle il s’établit à Versailles.

Par ailleurs, saviez-vous qu’un château peut aussi en cacher un autre? Encore une découverte! Celui sur les toits duquel nous avons grimpé – cf la vidéo sur notre chaîne YouTube – fut longtemps appelé le «Château-Vieux» par opposition au splendide «Château-Neuf» qui fut construit à la Renaissance, en lieu et place de la fameuse terrasse, perché au-dessus de la Seine. Hélas, il ne reste plus rien (ou presque) de cette « Maison du Théâtre et de la Baignerie » commandée à l’architecte Philibert Delorme (Fontainebleau, Chenonceau…) par Henri II et Catherine de Médicis. Pourtant, imaginez son envergure! Décidément, ce lieu nous réserve bien des surprises…

BONUS MUSÉE

Car ce n’est pas tout: non content d’être un superbe condensé d’Histoire de France, le château de Saint-Germain-en-Laye abrite en son sein l’une des plus riches collections archéologiques du monde! En 1862, Napoléon III crée le «musée des Antiquités celtiques et gallo-romaines» lui choisissant le «Château-Vieux» pour écrin. La restauration du bâtiment, alors en ruine, est confiée à Eugène Millet, élève de Viollet-le-Duc. C’est le premier – mais également le seul, ce toujours aujourd’hui – musée entièrement consacré à l’archéologie du territoire national. D’où son nom actuel : Musée d’Archéologie Nationale (MAN). Et lui aussi a sa Joconde… la fameuse Dame de Brassempouy, sculptée dans l’ivoire de mammouth et vieille de 22 000 ans!

Vous l’aurez compris, en sortant du RER, vous allez plonger dans l’Histoire – et la Préhistoire! – tête la première. Mais ne vous attendez pas à trouver un château «dans son jus» ou meublé Renaissance: vous entrez avant tout dans un musée d’archéologie. Disons que, pour Les Croqueuses, passer la porte rouge du château de Saint-Germain-en-Laye, c’est un peu comme ouvrir une poupée gigogne… Ensuite, de la cour jusqu’aux toits, en passant par la chapelle et la salle de bal, s’emboîtent et se déploient des siècles de savoirs et de pratiques humaines dont l’architecture et la muséographie sont les précieux révélateurs.

C’est enrichies de ces multiples découvertes que nous adressons nos remerciements à l’équipe du musée – Fabien Durand notamment, mais également Hilaire Multon, directeur du MAN, qui nous ont l’un et l’autre si volontiers consacré quelques heures de leur temps!

PS : Et, en plus, comme vous le verrez sur nos photos, nous avions ce jour-là une invitée de marque! En effet, l’autrice et illustratrice Claudine Aubrun est venue croquer – l’une de ses activités favorites! – avec nous à Saint-Germain-en-Laye. Tiens, puisqu’il s’agit d’une spécialiste des enquêtes, nous vous laisserons découvrir tout seuls son lien avec le musée… Bon, d’accord, un indice vous attend ici! 😉

{ Infos Pratiques }

Le Domaine national (parc) est ouvert tout les jours de l’année – sauf les 25 décembre, 1er janvier et 1er mai. Les horaires varient selon les mois : octobre – février  = 8h – 17h / mars – avril = 8h – 19h30 / mai – août = 8h – 20h30 / septembre = 8h – 19h30.

Le Musée d’archéologie nationale (château) est ouvert tous les jours de 10h à 17h – sauf le mardi et les 25 décembre, 1er janvier et 1er mai. Les toits sont accessibles du 2 mai au 30 septembre, soit en visite guidée par un conférencier (les lundis, jeudis et vendredis / durée 1h / réservations la veille), soit en promenade commentée (les mercredis, samedis et dimanches / durée 30 minutes / réservations le jour même).

N’hésitez pas à vous renseigner sur les activités proposées au jour le jour par le musée avant de programmer votre visite – sur le site ou via l’application ArcheoMAN, disponible en versions Androïd ou Apple.

Dessinons, découpons ! { Musée Rodin }

Dessinons, découpons ! { Musée Rodin }

Paris, février 2019 : le soleil brille et la température bat des records. Un petit air de printemps flotte dans les rues de la capitale, avec plusieurs mois d’avance – et son pic de pollution assorti, hélas ! Bien que Les Croqueuses de Paris n’aient pas planifié de sortie à quatre ce mois-ci, l’occasion est trop belle d’en improviser une en petit comité !

Voilà donc nos deux Franciliennes, Véronique et Aurélie, écourtant leur hibernation de Croqueuses pour sauter dans le métro jusqu’au Musée Rodin. Les jardins y sont splendides et l’exposition en cours les intrigue. Il y est question de dessin et de découpage – deux de leurs activités favorites, notamment dans leurs carnets. Comment les pratiquait Rodin, le sculpteur à l’œuvre si puissante, monumentale ? Allons voir cela de plus près…

Nous ne sommes pas déçues. L’exposition « Dessiner, découper » est tout simplement magnifique. Elle touche à l’intime du travail de Rodin, loin en amont de son aboutissement. Ces œuvres-là, préparatoires, n’avaient jamais été montrées – pas plus que mentionnées ou commentées, ni par aucun critique ni par l’artiste lui-même. Ces séries de silhouettes, juste évoquées d’un trait de crayon délié, rapidement aquarellées puis découpées pour être disposées ensemble (ou pas) nous donnent le sentiment de remonter le geste créateur jusqu’à la source, jusqu’à l’idée : aussi passionnant qu’émouvant. Mais, jugez vous-mêmes…

Après cette visite immergée dans la lumière douce qu’imposent les conditions de conservation du papier, nous ressortons dans le jardin. Le ciel est toujours aussi bleu, magnifiant la coupole dorée des Invalides, les corolles jaunes des jonquilles et les façades claires du musée – un écrin parfait pour les bronzes, ces corps noueux aux reflets ombrageux… C’est celui du Penseur qui, finalement, aura les faveurs de nos crayons parfois encore un peu engourdis par l’hibernation ! 😉

Merci au printemps pour cette avant-première fort prometteuse… et au Musée Rodin pour les trésors délicatement dévoilés. Depuis, les giboulées ont déboulé, les degrés ont dégringolé et Les Croqueuses sont rentrées finir l’hiver à l’abri. Rendez-vous à la prochaine éclaircie !

PS : et, en attendant, n’hésitez pas à suivre ou refaire nos visites d’expositions en story sur Instagram – rubrique Art.

{ Infos Pratiques }

Le musée se trouve au 77 rue de Varenne, dans le 7ème arrondissement – métro Varenne (ligne 13) ou Invalides (ligne 8, RER C). Il est ouvert tous les jours sauf le lundi, de 10h00 à 17h45.

Exposition Chefs-d’œuvre ! { Musée Picasso }

Exposition Chefs-d’œuvre ! { Musée Picasso }

Courant novembre, Les Croqueuses de Paris étaient invitées par le Musée Picasso à l’exposition Chefs-d’œuvre ! Comme pour Guernica, Aurélie et Véronique ont aussitôt répondu présent : la première lors d’une soirée privée avec la commissaire, la seconde en allant y « croquer » au milieu du public.

Qu’est-ce qu’un chef-d’œuvre ? Comment le reconnaît-on ? Est-ce une révélation unique et immédiate ou cela se construit-il en plusieurs étapes, au fil du temps ? C’est cette énigme passionnante – posée comme en prolongement de l’exposition précédente sur le « cas Guernica » – que ce tout nouvel accrochage nous invite à (tenter de) résoudre.

Évidemment, pour Picasso, la question se pose d’autant plus que son œuvre est prolifique – certains n’ont pas manqué de le lui reprocher, d’ailleurs ! – et qu’il a pratiqué de très nombreuses techniques : peinture et dessin bien sûr, mais aussi gravure et sculpture.  (Et quelle grâce, quelle émotion, ses petits papiers déchirés, si fragiles et légers…) La quête d’une réponse est donc pour le visiteur l’occasion de revoir ou de découvrir différents aspects de cette œuvre exceptionnelle, multiple et généreuse, témoignant d’une vie entière de recherche consacrée à la création – peut-être son ultime chef-d’œuvre ?

Au cours de sa visite, Aurélie croquera des visages – notamment celui de Dora Maar, d’après le portrait qu’elle adore – tandis qu’Esmeralda posera sagement devant Véronique… Cette dernière ira ensuite, à l’étage, admirer la superbe collection personnelle de Picasso : des choix qui éclairent bien évidemment son œuvre !

Véronique testera aussi la terrasse du café, très agréable sous ce doux soleil de novembre. Puis, en sortant, elle poussera la porte de la boutique du musée, située sur le trottoir d’en face, et sera très heureuse (et fière !) d’y trouver son album Les Trois Musiciens en deux versions, française et anglaise – classe, non ? 😉

Encore un grand merci au Musée Picasso pour sa fidélité : d’exposition en exposition, Les Croqueuses redécouvrent sans cesse le travail de ce grand artiste sous de nouveaux jours, passionnants… Chers lecteurs, n’hésitez pas à faire de même !

Un Musée à Montmartre

Un Musée à Montmartre

De toutes Les Croqueuses, seule Anne – la plus provinciale d’entre nous, n’ayant jamais habité à Paris – était déjà venue au Musée de Montmartre. L’erreur fut réparée en septembre, avec bonheur. Renoir, Bernard, Dufy, Camoin, Valadon, Utrillo… tous ont séjourné ou vécu ici. Et y ont travaillé. En matière de beaux lieux, les artistes se trompent rarement !

LES JARDINS

Oui, on peut employer le pluriel, car l’espace extérieur du musée se partage en plusieurs lieux distincts. Depuis la rue Cortot, on ne devine pas que tout ce vert est caché derrière la façade. Ces jardins sont reliés entre eux par différents passages – longue allée couverte de roses et de coings, portes ouvertes dans de vieux murs ou volées d’escaliers plongeant dans la verdure. Le plus vaste accueille, autour des nénuphars, les tables du Café Renoir. C’est là, dans ce jardin, qu’a été peint La balançoire. Plus bas, la vue embrasse généreusement le quartier, les vignes du Clos Montmartre et le Lapin Agile. On aperçoit le cimetière Saint-Vincent – où sont enterrés les peintres Utrillo et Boudin, les affichistes Steinlen et Chéret, les écrivains Roland Dorgelès et Marcel Aymé, ainsi que Marcel Carné.

Il fait si bon dehors, deux des Croqueuses s’y installent pour dessiner. Anne croque la façade arrière du musée ; Fabienne, l’atelier de Suzanne vu depuis la terrasse du café. Véronique poursuit la visite…

LE MUSÉE

C’est la Société d’Histoire et d’Archéologie Le Vieux Montmartre, créée en 1886, qui peu à peu a constitué un fonds d’œuvres très important – peintures, sculptures, affiches, dessins, lithographies, photographies… L’ensemble raconte, de manière assez vivante, l’histoire de ce quartier emblématique. Populaire, créatif, révolté. En un mot, bouillonnant !

L’évocation des danseuses de cancan et celle du café, avec son superbe zinc, sont particulièrement réussies. Celle du cabaret Le Chat Noir aussi. On y découvre une pure merveille : douze décors du fameux théâtre d’ombres d’Henri Rivière – dont Véronique est une grande admiratrice. Créé en 1960, le musée fut repensé en 2011 sous la houlette de la société Kleber-Rossillon, globalement plus spécialisée dans les parcs et les châteaux médiévaux. Le résultat est vraiment séduisant, sans tape-à-l’œil attrape-touristes. Pardon, mais… à Montmartre, tout Parisien se méfie !

CHEZ SUZANNE ET MAURICE

La reconstitution de l’atelier-appartement que Suzanne Valadon partageait avec son fils, Maurice Utrillo, est à ce titre exemplaire. Confiée à Hubert Le Gall, elle nous emmène doucement dans une autre époque. Dans une intimité simplement évoquée. Dès l’entrée, les Croqueuses avançaient sur la pointe des pieds comme si Suzanne, remontant soudain l’escalier, allait nous surprendre chez elle. Après avoir (un peu) hésité avec le beau zinc du musée, Véronique choisira de dessiner l’atelier. Pour l’espace, pour la lumière… et surtout l’émotion.

Y serez-vous sensibles, vous aussi ? Venez, si vous le pouvez, un matin de semaine et prenez le temps d’y flâner. Le portable éteint au fond du sac, laissez-vous séduire par l’atmosphère, si particulière, du Montmartre de 1900. Petit conseil de Croqueuses : en Métro, prenez la ligne 12 et descendez à Lamarck-Caulaincourt. Vous éviterez le plus gros des troupes de touristes et profiterez de jolies rues, moins fréquentées qu’autour de la place du Tertre. (De rien !)

{ Infos Pratiques }

Le Musée de Montmartre est au n°12 de la rue Cortot, Paris 18ème. Métro Lamarck-Caulaincourt ou Anvers (puis funiculaire de Montmartre). Il est ou­vert tous les jours de 10h à 19h d’avril à septembre et de 10h à 18h d’octobre à mars.

Le Café Renoir, lui, vous accueille du mercredi au dimanche de 12h15 à 17h d’octobre à avril. Mais à partir du 1er mai, il est ouvert tous les jours de 12h15 à 18h.

Derniers jours ! { Giverny }

Derniers jours ! { Giverny }

La très belle exposition du Musée des Impressionnismes de Giverny se termine dimanche et ce serait vraiment dommage de la rater. Des estampes d’Hokusai et Hiroshige (entre autres) à celles de Mary Cassatt, Henri Rivière et Félix Vallotton, des objets d’art peints par Pierre Bonnard ou Maximilien Luce aux œuvres de Renoir, Monet, Manet, Denis, Signac, Seurat, Pissaro, Morisot, Van Gogh, Caillebotte ou Matisse… Les Croqueuses de Paris en ont pris plein les yeux. Conseil d’amies : si vous le pouvez, ce week-end, courrez-y !

Questions pour une Commissaire

Questions pour une Commissaire

Peut-être vous en souvenez-vous ? En avril dernier, Les Croqueuses de Paris étaient invitées à une visite privée de l’Exposition Guernica. Nous avions été conquises par les commentaires passionnants d’Emilia Philippot, l’une des commissaires de l’exposition. Après la visite, celle-ci a très gentiment accepté de répondre à quelques questions concernant son métier…

Interview d’Émilia Philippot

{ conservatrice au Musée Picasso et Commissaire de l’Exposition Guernica }

LCDP : Vous êtes à la fois conservatrice du musée et commissaire d’exposition. Pouvez-vous nous expliquer comment s’articulent ses deux fonctions ?

EP : En effet, j’exerce le métier de conservatrice au Musée Picasso et cette fonction consiste en 4 missions principales. D’abord, conserver la collection en bon état et faire les opérations de restauration nécessaires. Ensuite, l’enrichir en faisant des propositions d’acquisition. L’étudier, en développant la recherche à son sujet. Enfin, la diffuser auprès du public. Monter une exposition participe à cette dernière mission.

LCDP : Combien de temps en amont se prépare une exposition ? Et comment choisit-on les thèmes qu’elle abordera et les commissaires qui la monteront ?

EP : Pour travailler correctement sur une programmation, il faut compter deux ou trois ans. Au musée, nous avons des réunions de programmation régulières, où nous en discutons. Les thèmes s’imposent en fonction d’éventuelles découvertes de chercheurs, d’anniversaires – c’est le cas pour Guernica, dont nous fêtons les 80 ans – et d’alternance entre différents aspects de l’œuvre, en faisant un focus sur un média (les sculptures, par exemple) ou une période, ainsi qu’à travers des « dialogues » avec d’autres artistes (Calder ou Giacometti)… Quant au choix des commissaires, il se fait en fonction de leur expertise dans un domaine plutôt qu’un autre et de la charge de travail de chacun, étant donné que nous travaillons en même temps sur plusieurs expositions. En ce moment, nous préparons à la fois la future exposition « Picasso Bleu et Rose » programmée au Musée d’Orsay en automne et « Picasso et le papier » (dessins, estampes, livres) qui aura lieu à Londres en 2020. Sans compter le gros projet « Picasso Méditerranée » qui a commencé l’an dernier avec des colloques et de très nombreuses expositions à venir à Marseille, Arles, Nîmes, Venise, Rome, Naples… On pourrait dire que le Musée Picasso est un initiateur. Nous aidons par des prêts d’œuvres, par une structure qui va piloter l’ensemble, mais nous essayons surtout de relancer la recherche en nous associant avec différents partenaires.

LCDP : Parmi toutes les œuvres du musée, des sculptures aux peintures, en passant par les céramiques et les esquisses, quelle est celle que les visiteurs viennent voir en priorité ? En d’autres termes : quelle est La Joconde du Musée Picasso Paris ?

EP : Nous en avons plusieurs ! En effet, après une étude menée auprès du public, nous savons que les visiteurs viennent beaucoup pour voir l’Autoportrait de la période bleue et le portrait de Dora Maar – celui, justement, qui se trouve dans l’exposition. Ainsi que la Tête de taureau, sculpture formée d’une selle et d’un guidon de vélo, également dans l’exposition. D’un point de vue historique, nous avons aussi ici le premier collage de l’Histoire de l’Art (Nature morte à la chaise cannée) et les guitares en carton, premiers assemblages de Picasso.

LCDP : Est-ce qu’il y a un public qui ne vient pas au Musée Picasso et que vous aimeriez aller chercher ?

EP : Avant la fermeture du musée pour travaux de rénovation, le public qui ne venait pas était clairement le public local : les Parisiens en premier lieu, et les Français. On avait surtout une fréquentation touristique internationale qui venait voir les fameux chefs-d’œuvre de Picasso et maintenant, la tendance se renverse ou du moins on essaie de l’inverser en essayant de faire venir les Français et en premier lieu les Parisiens. Cela commence par des créneaux spécifiques pour les scolaires, de manière très régulière : la semaine, le musée ouvre plus tard dans la matinée pour que les classes puissent venir le matin, dans de bonnes conditions. Nous avons de nombreux partenariats , des projets pédagogiques, etc. Par ailleurs, la rénovation du musée a permis d’améliorer l’accessibilité du lieu aux personnes à mobilité réduite.

LCDP : Il y a actuellement 8 musées Picasso en Europe : d’autres ouvertures sont-elles encore envisageables et où ?

EP : Catherine Hutin, la fille de Jacqueline Roque, la dernière compagne de Picasso, a le projet d’ouvrir un musée à Aix-en-Provence, à l’Hôtel de Caumont, d’ici deux ou trois ans. D’une manière générale, les descendants de Picasso sont tous très investis dans la conservation et le rayonnement de l’œuvre… et cela reste donc assez européen. Cela dit, les musées américains possèdent de nombreux chefs-d’œuvre, dont certains seront à Orsay en automne – ne les ratez pas !

LCDP : Merci infiniment d’avoir pris le temps de répondre à nos questions ! Nous sommes sûres que nos lecteurs apprécieront… et répondront « présent » aux prochains rendez-vous avec Picasso ! N’est-ce pas ? 😉

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